📰 Article du lundi
Dictator Book Club: Putin de Scott Alexander.
Quels sont les secrets de persuasion d’un dictateur ?
Certains sont de brillants orateurs (comme monsieur H, apparemment), et d’autres sont des politiciens sournois (comme son homologue moustachu monsieur S). Dans le mix #46, on avait même parlé de Sani Abacha, le nigérian “idiot savant” des coups d’états, qui savait choisir le bon camp à chaque révolution.
Qu’en est-il de Poutine ?
L’article (et le livre sur lequel il est basé) le présentent comment un personnage fade et un mauvais communicateur - donc on peut éliminer l’hypothèse du charisme :
“Vladimir Poutine semblait vraiment avoir fait son apparition sur Terre - ou du moins dans les couloirs du pouvoir en Russie - déjà entièrement formé. À chaque étape de sa carrière, il a été promu sans raison particulière, ou parce qu'il semblait si dépourvu de personnalité que personne ne pouvait l'imaginer causant des problèmes.”
Tout commence avec des ambitions de carrière très particulières :
“Vers l'âge de dix ans, Poutine a ressenti un désir brûlant de rejoindre le KGB. Il attribue
cela aux nombreuses émissions de télévision pour enfants pro-KGB de l'époque, mais Gessen soupçonne que son père aurait également pu être un informateur secret du KGB. Ses camarades de classe se souviennent qu'il gardait un portrait du fondateur du KGB sur son bureau.”
Mais la réalité de la bureaucratie du KGB s’est révélée décevante - et empire avec la chute de l’URSS :
“Poutine buvait de la bière et grossissait. Il a arrêté de s'entraîner, ou de faire du sport, et il a pris plus de neuf kilos - une addition désastreuse à sa petite stature plutôt étroite. En apparence, il était sérieusement déprimé.”
Par chance pour Poutine, le président russe ne s’en sortait pas beaucoup mieux :
“À cette époque, le président Boris Eltsine était en difficulté. Il avait sombré dans l'alcoolisme, était devenu irascible, avait renvoyé tous ses ministres compétents et avait géré le pays jusqu'au bord de l'effondrement économique. Son taux d'approbation était de 2%.”
Poutine se retrouve, plus ou moins sur un coup de chance, à la tête des services de renseignement du président alcoolo :
“À ce moment-là, le scénario le plus probable était que le parti d'opposition - les communistes - remporterait les prochaines élections, puis poursuivrait Eltsine pour corruption. [Les proches de] Eltsine cherchaient une stratégie de sortie. Tout ce qu'ils pouvaient imaginer, c'était de démissionner en faveur d'un successeur
désigné, qui lui accorderait une grâce présidentielle. Mais qui ?
Il y avait toujours Poutine. Il semblait toujours loyal. Les forces de sécurité semblaient l'aimer. Il y avait un tas de guerres en cours en Tchétchénie, et il serait bon d'avoir un type fort et effrayant au pouvoir. Mais surtout, il était au bon endroit au bon moment.”
Relisez cette dernière phrase. C’est incroyable à quel point quelqu’un peut aller loin sans compétence particulière, mais avec une bonne dose d’opportunisme :
“Peut-être le fait le plus bizarre de l'ascension de Poutine au pouvoir est que les personnes qui l'ont porté sur le trône en savent à peine plus sur lui que vous. Berezovsky m'a dit qu'il n'a jamais considéré Poutine comme un ami et qu'il ne l'a jamais trouvé intéressant en tant que
personne... mais lorsqu'il a envisagé Poutine comme successeur d'Eltsine, il semblait supposer que les qualités même qui les avaient tenus à distance feraient de Poutine un candidat idéal. Poutine, apparemment dépourvu de personnalité et d'intérêt personnel, serait à la fois malléable et discipliné.”
Au moins le plan d'Eltsine et de ses comparses a marché :
“Le 31 décembre 1999, Boris Eltsine a démissionné en faveur de Poutine, avec effet immédiat. Le même jour, Poutine a signé son premier décret présidentiel - une loi stipulant qu'Eltsine ne serait pas poursuivi.”
Oups :
“Dès le début, Poutine a eu un fort soutien. Les Occidentaux et les libéraux l'aimaient parce qu'il était le successeur choisi par Eltsine. Les oligarques l'aimaient parce qu'il n'était pas communiste et semblait potentiellement contrôlable. Le contingent nostalgique de l'Union soviétique l'aimait parce qu'il était un ancien du KGB et semblait partager leurs valeurs.”
Mais les choses changent. Une des stratégie initiales de Poutine est d’ordonner aux services de renseignement, qui lui sont loyaux, d’organiser une série d’attentats contre son propre peuple :
“La position standard en Occident est maintenant que Poutine a orchestré lui-même les attentats à la bombe contre les appartements - tuant 300 Russes - comme justification pour intensifier la guerre en Tchétchénie et pour se faire bien voir après avoir arrêté
rapidement les supposés coupables.”
Son idéologie actuelle a été développée de manière pragmatique, en testant des choses pour voir ce qui fonctionnait :
“Pendant sa première décennie, Poutine ne s'est pas trop intéressé aux sujets de guerre culturelle ; son idéologie commençait et finissait par "la Russie forte". Mais Gessen dit qu'après une autre élection truquée en 2012, les gens en ont eu marre et ont commencé à manifester contre Poutine. Le département de propagande de Poutine
a fait diverses accusations contre les émeutiers, et l'une d'entre elles - ils sont gay - semblait coller. Poutine avait trébuché par hasard sur un récit qui résonnait avec le peuple russe.”
Est-ce que ça pourrait arriver chez nous ? Écrivant d’un point de vue américain, Scott Alexander conclut :
“Le livre "The Man Without A Face" donne l'impression que Poutine a réussi à consolider le pouvoir et à devenir un dictateur parce que :
1. Il dirigeait les services de sécurité
2. Les services de sécurité lui étaient totalement loyaux personnellement, et n'avaient aucune loyauté envers le gouvernement constitutionnel / l'éthique / la décence humaine de base.”
La question qui se pose donc est :
“Pourquoi les services de sécurité étaient-ils si dociles? La réponse la plus proche que [le livre] donne est de décrire la réaction presque traumatisante que Poutine et ses collègues ont eue lorsque l'Union soviétique les a abandonnés. Il suggère qu'un vestige de l'éthos ou du réseau du KGB a survécu à la chute de l'URSS, a détesté son successeur démocratique, et a été reconsolidé par Poutine dans son FSB.
Leur loyauté était à l'origine envers une sorte d'éthos de l'esprit-du-KGB et non envers la Russie démocratique existante, et il était simple pour Poutine de transmuter cela en loyauté envers lui personnellement, qui promettait de restaurer les normes de l'époque soviétique.”
La leçon globale qui en ressort : en politique, ce n’est pas toujours les plus talentueux qui s’élèvent. La personnalité fade de Poutine, son manque de charisme et d’idées, ont été un avantage à chaque étape, car il n’avait pas l’air dangereux - et il pouvait s’adapter à ce que la situation demandait.
L’analogie étrange qui me vient en tête, c’est que Koh Lanta n’est jamais gagné par le gars qui a la survie dans son ADN, car les autres le voient rapidement comme une menace et l’éliminent.
(Un autre exemple émerge des tréfonds de ma mémoire : l’émission Le maillon faible présentée par Laurence Boccolini au début des années 2000, où les
candidats devaient trouver l’équilibre de médiocrité parfait : les trop bons et les trop nuls étaient éliminés rapidement).
📼 Vidéo du lundi
I Broke The Youtube Shorts Algorithm de JacksSucksAtLife.
Un format ultra dynamique et fun, pour parler des détails de l’algo YouTube.
Une donnée que j’adore particulièrement : les vidéos qui parlent d’abonnés
génèrent un taux d’abonnement disproportionné.
Par exemple, les vidéos de Jacks intitulées “lequel de mes abonnés a le plus d’abonnés” (en soi un format génial) génèrent un nombre disproportionné d’abonnés.
Autre leçon évidente : oui, les shorts cartonnent toujours.
⏰ Lancement en cours
Si vous avez déjà essayé d’écrire avec ChatGPT, vous avez peut-être été déçu. Le style est plat, les idées sont nulles et la structure part dans tous les sens.
Après des mois d’expérimentation, on a enfin trouvé la solution pour écrire 2x plus vite grâce à GPT.
Fermeture des inscriptions demain minuit.